Christelle Brua, de l’Élysée à l’entrepreneuriat

Première femme sacrée meilleure pâtissière de restaurant du monde, Christelle Brua a ouvert sa chocolaterie parisienne Madame Cacao.

Sacrée meilleure pâtissière de restaurant du monde en 2018, Christelle Brua a conçu durant trois années les desserts de la présidence de la République française avant de décider de se lancer à son compte en créant madame Cacao.

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Originaire de Lorraine, Christelle Brua s’est passionnée très tôt pour la cuisine. Pendant son apprentissage, dans sa chambre trônaient trois photos : une de Paul Bocuse, une de Joël Robuchon et une autre de Frédéric Anton, le chef du Pré Catelan (Paris, 16e). Elle s’oriente pourtant vers les desserts, à la faveur d’une rencontre décisive avec Lilly Klein. Comme les chefs étoilés continuent de l’inspirer, elle décide de travailler à leurs côtés en tant que cheffe pâtissière, jusqu’à devenir Chef pâtissier de l’année à trois reprises et la première femme sacrée Meilleur pâtissier de restaurant du monde (2018).

Après les cuisines du Pré Catelan, ce sont celles du palais de l’Élysée qui l’attirent. Christelle Brua y a conçu durant trois années les desserts de la présidence de la République française, avant de créer sa propre adresse parisienne dédiée aux chocolats.

Pouvez-vous raconter votre déclic pâtissier ?

En apprentissage en cuisine à L’Arnsbourg à Baerenthal [alors trois étoiles au Michelin, NDLR], j’étais complètement fan des glaces, gâteaux et desserts de Lilly Klein, la maman du chef Jean-Georges Klein. Le matin tôt, quand j’arrivais, je l’espionnais discrètement, et je restais avec elle en fin de service pour apprendre. Naturellement, on m’a donné un poste à ses côtés, puis celui de cheffe pâtissière.

Première femme sacrée meilleure pâtissière de restaurant du monde, Christelle Brua a ouvert sa chocolaterie parisienne Madame Cacao. (© Natalia Khoroshaieva)

Pourquoi avoir fait le forcing pour entrer au Pré Catelan ?

Frédéric Anton est Nancéen. Dans l’est de la France, il est pour nous un emblème, l’un des cuisiniers qui a réussi. Je me suis intéressée à sa cuisine et, en 2003, j’ai téléphoné cinquante fois par jour pour qu’il me reçoive. Peu importe le poste qu’il me proposait, je voulais vivre l’expérience Pré Catelan. Ma détermination lui a beaucoup plu. Il m’a mise à l’épreuve en me demandant de préparer un dessert idéal pour le Pré Catelan. Je ne connaissais pas le labo alors j’ai travaillé dans la simplicité une poire pochée avec des tuiles au chocolat et un sorbet poire. Bien après, nous avons créé le dessert signature — la pomme en sucre soufflé, garnie de crème glacée caramel, cidre et sucre pétillant — quand j’ai rapporté des pommes d’amour d’une fête foraine.

Madame Cacao adopte un pakaging sobre et élégant. (© Alexie Valois)

Votre bibliothèque est importante, en quoi les livres sont-ils pour vous des sources d’inspiration ?

J’ai toutes sortes de livres, par exemple d’anciennes éditions d’Antonin Carême, d’Auguste Escoffier, et la quarantaine de petits formats de Paul Bocuse. J’aime aller à la Librairie Gourmande [Paris 2e, NDLR] et rapporter des livres chez moi. Déborah Dupont-Daguet [sa propriétaire, NDLR] a bien cerné ce qui m’inspire et me propose des trésors. Chez elle, on peut s’asseoir à l’étage et consulter des ouvrages. J’aime cette soupape de décompression.

Travailler pour l’Élysée, était-ce un rêve et, si oui, pourquoi ?

J’admire beaucoup le chef Guillaume Gomez [qui dirigeait alors les cuisines du palais de l’Élysée, NDLR]. J’avais envie de travailler avec lui, mais à plusieurs reprises il m’a répondu : « Tu n’es pas prête. » Un jour de mars 2019, il m’a demandé de signer le repas du président chinois. J’ai créé un dessert subtil, aux fraises, et ce soir-là, il m’a proposé la place. J’ai gardé l’équipe en place, nous étions cinq. Ces trois années au palais ont été très bénéfiques pour moi, j’ai grandi. Tout était très carré et bien encadré. Guillaume est quelqu’un d’attentif, de bons conseils, avec une connaissance incroyable des produits. Il m’a bien expliqué le protocole, et le déroulement de chaque événement. Le but était de satisfaire les convives et chefs d’État reçus par M. et Mme Macron. Je n’avais pas de barrières, pas de freins.

Lucien, le lapin en chocolat, emblème de la boutique Madame Cacao. (© Natalia Khoroshaieva)
Tablette 33% Tanariva et 64% Manjari au riz soufflé torrefié, par Madame Cacao. (© Alexie Valois)

Quelle est l’une de vos plus belles réalisations à l’Élysée ?

Pour le dîner en l’honneur du président italien, je manquais d’idées. J’avais rendez-­vous avec Mme Macron pour en discuter. Tout naturellement, elle m’a emmenée dans les salons du palais, et a commenté les œuvres exposées. J’ai bloqué devant une toile de Vasarely, avec l’impression que la peinture sortait du tableau. Je me suis basée sur les émotions que cela me procurait : de la force, de l’impact, mais pas d’agressivité : plutôt de la douceur. Le travail a été titanesque pour préparer plus de deux cents assiettes peintes à la main au pinceau. J’avais reproduit la toile, et de tous les angles de vue, la perspective du dôme changeait, comme dans l’œuvre de l’artiste.

Comment est née Madame Cacao ?

Quand Guillaume a quitté l’Élysée pour devenir ambassadeur de la gastronomie française, est venu le projet personnel d’avoir un lieu où m’exprimer pour être totalement libre d’aller où je le souhaite. Le chocolat est l’une des matières les plus nobles, avec laquelle on peut tout faire. Cette année, nous n’en sommes qu’aux balbutiements, nous testons nos recettes. Pour découvrir et mieux comprendre le travail des producteurs de fèves de cacao, je suis partie en Équateur sur des plantations, à Guayaquil (Republica del Cacao et Hacienda Victoria), en compagnie de plusieurs chefs, bien sûr.

www.instagram.com/madamecacao_paris/

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